La France, une et indivisible ?
Pernelle Richardot, la militante du Parti socialiste qui se permet de donner des leçons d’humanisme aux autonomistes alsaciens, n’a toujours pas compris, pas plus que tous les partis nationaux qui défendent la démocratie représentative et le centralisme parisien, pourquoi le respect des spécificités et des langues régionales est un facteur d’intégration.
Cela s’explique : elle est de cette France « une et indivisible ». Elle participe de ces gouvernements jacobins, qui croient (ou veulent nous faire croire…) au mythe de ce Français, modèle universel, qu’il soit de Guadeloupe, de Corse, de Bretagne, d’Alsace, ou d’ailleurs. Le problème, c’est qu’ils confondent égalité et égalitarisme.
Confondre égalité et égalitarisme
L’égalité, c’est un concept qui permet à chaque individu de disposer des mêmes droits et devoirs envers la société dans laquelle il vit, chacun pouvant améliorer sa condition sans être pénalisé par rapport à d’autres en raison de ses origines, sa religion ou n’importe quel autre critère.
L’égalitarisme, pour sa part, est une doctrine qui fait la promotion de l’égalité sociale, civile, et politique. C’est donc au nom de cette doctrine que le système français met tout en œuvre pour distribuer la richesse au plus pauvre, sans tenir compte du mérite de chacun, l’uniformité devenant la règle (au final, avec la mondialisation, les grands gagnants restent quand même les plus riches qui auront eu l’intelligence de fuir ce système mortifère, on est d’accord, mais pour ceux qui ne peuvent pas quitter le pays, c’est ainsi que cela se passe…)
Et cette confusion est pernicieuse, car pour instaurer l’égalitarisme et le faire accepter par ceux qui ont pu améliorer leur condition, par le travail essentiellement, il convient de gommer toutes les différences et de faire culpabiliser ceux qui ne se reconnaissent pas dans la doctrine.
Nier et gommer les différences
Ainsi, le système va nier les langues régionales forcément différentes d’une région à l’autre, pour ne connaître que la sacro-sainte langue française, Saint Graal de l’unicité et de l’intégration. Il gommera aussi les spécificités régionales pour faire en sorte que toutes les régions soient au même niveau, en nivelant par le bas, c’est tellement plus simple et plus égalitaire.
Ce négationnisme des spécificités régionales passe par l’obligation de l’individu à renoncer à ce qu’il est pour devenir un bon citoyen français, attaché à cette seule France qui s’étend de Guadeloupe en Alsace, de la Bretagne à Tahiti et bien d’autres détours, forts sympathiques au demeurant. Pour parvenir à ces fins, la France coupe donc les racines des bons petits Français par la culpabilité (repli sur soi, extrémisme, et plus spécifiquement pour nous en Alsace, nazisme) pour tenter une greffe sur son concept de la république « une et indivisible ».
Des conséquences désastreuses
Hélas pour la France, cela engendre des conséquences humaines désastreuses. Comme ces enfants enlevés à leurs parents et qui grandissent sans connaître la vérité, ils aiment bien leurs nouveaux parents, mais ils sentent que quelque chose ne va pas, un mal-être et une souffrance poussent en eux et grandissent avec eux… jusqu’au jour où la vérité se fait jour.
Et avec cette soif de vérité, la quête des origines apparait naturellement. Ils veulent savoir de qui et d’où ils viennent, s’ils étaient désirés, etc. Surtout nait un sentiment de rejet des parents menteurs… N’est-ce pas là, dans ce mensonge et cette trahison que les mouvements autonomistes partout en France puisent leur énergie ?
Le plus pittoresque dans cette triste histoire, c’est que l’homme qui est à l’origine de la 5e Constitution de la République française, celle qui a institué cette France une et indivisible, a quitté le pouvoir pour ne pas avoir été suivi dans sa volonté de conduire le pays au fédéralisme avec des régions autonomes fortes… et qu’il avait prédit la chienlit actuelle !
Le propos initial était donc d’affirmer que le respect des spécificités et des langues régionales était un facteur d’intégration. Nous allons le démontrer. Dans la situation actuelle, le Français, idéalisé et promue par le système égalistariste, désigne un être qui ère sans racines, qui a seulement la notion d’appartenir à un pays dont on lui a enseigné une histoire qui est en grande partie un mythe, une histoire réinventée pour glorifier de pseudo ancêtres qui se seraient sacrifiés pour son bonheur… le schéma classique de la culpabilisation : « pour les honorer, montre-toi digne de cette France pour laquelle tes anciens se sont battus ! »
Une nation construite sur un mythe
Nous avons donc bien une nation construite sur un mythe, avec des habitants qui croient dur comme fer qu’ils seraient en quelque sorte « supérieurs » et qui tirent leurs certitudes de racines… qui n’existent pas. Les résultats de ce mythe sont parfois extraordinaires. Par exemple, dans ma commune du Sundgau nous avons une statue de Jeanne d’Arc qui fait la fierté du village. Pourtant, à l’époque de la bergère lorraine, l’Alsace était une terre du Saint-Empire germanique qui n’appartenait pas du tout au royaume de France… Comment expliquer, dès lors, que l’on puisse dresser une statue à la gloire d’une héroïne d’un passé qui appartient à quelqu’un d’autre ?
Coupé de ses racines, le Français devient une proie plus facile à manipuler par le système qui en fait un consommateur qui boira la propagande officielle sans réellement se poser trop de questions et en rejetant ceux qui auront su préserver une capacité d’analyse et la clairvoyance des manipulations en cours et qui tirent la sonnette d’alarme.
Et les étrangers ?
Dans ce contexte, faites entrer dans le pays des étrangers dans le cadre de la recherche de main d’œuvre ou suite à des guerres stupides que le gouvernement français va faire pour améliorer sa cote de popularité et augmenter le chiffre d’affaires de son industrie de l’armement. Ces personnes, contrairement à la majorité des Français, savent d’où elles viennent et ont des racines profondes dans leur pays d’origine. Elles ne sont pas disposées à y renoncer. Par contre, elles aimeraient bien faire pousser de nouvelles racines dans cette terre qui les accueille désormais, mais… Mais les autres autour d’eux vivent dans un terreau virtuel, un mythe qui ne permet pas à de nouvelles racines de pousser. La France leur demande de renoncer à leur histoire pour faire de Jeanne d’Arc une héroïne de leur passé.
J’exagère allez-vous dire. Sans doute, oui. Mais je grossis justement le trait pour faire comprendre l’absurdité du système français actuel. Revenons un peu en arrière. Entre les deux guerres, l’Alsace a fait appel à de la main-d’œuvre étrangère. Elle a fait appel à la main d’œuvre italienne ou polonaise (pour ne citer qu’elles) et leur intégration n’a posé aucun problème. Pour travailler en Alsace et s’intégrer, les immigrés n’avaient d’autres choix que d’apprendre l’Alsacien. Il est fascinant d’ailleurs de constater que l’intégration a reculé en même temps que la pratique de la langue alsacienne. Moins on parlait l’alsacien, moins on arrivait à intégrer les immigrants. Je crois même, et Thierry Kranzer, le spécialiste des langues régionales le confirmera, que l’on peut mesurer le niveau de vie d’une langue régionale à sa nécessité pour travailler dans le monde ouvrier. Force est de constater que la France a réussi à nous arracher notre langue, l’alsacien n’est pratiquement plus parlé sur les chantiers. Mais c’est à nous d’en subir les conséquences !
Aujourd’hui, beaucoup de ces immigrés d’entre les deux guerres sont tellement bien intégrés qu’ils parlent la langue de leur région et que plus personne ne se souvient qu’à l’origine, ils viennent d’ailleurs. Ont-ils renoncé pour autant à leurs autres racines ? Bien sûr que non ! D’ailleurs beaucoup gardent un pied-à-terre au pays et restent très fiers de leurs origines. La clé de l’intégration est là. Acceptez les autres en respectant leurs origines tout en leur permettant de développer de nouvelles racines, dans une terre fertile et existante. Or, cette terre fertile ne peut exister que si les identités, les spécificités et les langues régionales sont respectées. La France a encore du chemin à faire sur cette voie…
Le pragmatisme germanique
Mon ami, Joseph Schmittbiel, avec qui j’échangeais sur le sujet, m’a dit une chose très sensée : « Nous sommes à l’origine un peuple germanique et le pragmatisme est dans nos gênes. » Le pragmatisme, c’est déjà regarder la situation en face. Oui, aujourd’hui, la France accueille un grand nombre d’étrangers, dont beaucoup sont d’ailleurs binationaux grâce au droit du sol. Oui, il faut faire le constat déplorable que faute d’avoir un terreau pour y faire grandir de nouvelles racines, le système français a favorisé le communautarisme. Or, le communautarisme permet à l’étranger de continuer à vivre en s’alimentant exclusivement à ses racines d’origines sans pouvoir développer de nouvelles racines pour s’ancrer dans sa nouvelle terre d’accueil, en l’occurrence, le pays France. Et voilà le système qui s’étonne qu’il puisse engendrer de jeunes Français qui partent en Syrie ! Après tout, ils devraient se sentir si bien dans cette belle France !
Quelles solutions pour les étrangers
L’Alsace n’échappe pas à l’arrivée de migrants. Beaucoup d’Alsaciens se sentent donc « envahis » et deviennent ainsi disposés à croire à la théorie du grand remplacement. Mais soyons pragmatiques. Allons-nous céder à la mode française d’après guerre et réinstaurer les cartes d’identité A, B, C et D puis déporter ceux qui ne possèdent pas la bonne lettre ?

Cartes d’identité modèle A, B, C, et D instaurées par la France pour classifier les Alsaciens après la Première Guerre mondiale. Elle confisquera les biens des détenteurs des cartes D et les déportera en Allemagne… Un pan de son histoire qui reste étrangement occulte.
Allons-nous refaire des convois « Nacht und Nebel » avec un passage des trains dans le tunnel de méditerranée pour reconduire tout ce petit monde en Afrique du Nord… et tant pis si le tunnel n’existe pas, le train passera quand même ! Nous autres Alsaciens, après avoir goûté à ces pratiques par la France et l’Allemagne nazie, allons-nous les mettre en œuvre comme ces enfants battus qui n’ont jamais réussi à intégrer l’injustice à laquelle ils ont été confrontés, et qui battent à leur tour leurs enfants une fois adultes ?
Soyons sérieux, même si la France ne nous l’enseigne pas, l’Alsace est l’une des terres où l’humanisme rhénan a prospéré. Portés par la bibliothèque humaniste de Sélestat nous sommes de ces peuples qui ont permis à l’humanité de faire de grands pas. Allons-nous renier cet héritage réel parce que la France veut que nous soyons de sa vision mortifère d’une France une et indivisible ?
Plonger dans ses racines… pour s’ouvrir
Revendiquons nos spécificités, replongeons dans nos racines et abreuvons-nous à la sagesse et à la souffrance de nos anciens. Laissons à la France ses héros sanguinaires comme Turennes pour nous réapproprier la bonté d’un Dr Schweitzer. Réapproprions-nous notre langue. Plongeons profondément nos racines dans nos origines, ouvrons grand notre ramure et permettons à ceux que nous accueillons de développer, à nos côtés, de nouvelles pousses pour qu’à leur tour, ils puissent s’abreuver de notre culture, de nos spécificités et de notre langue. Alors, le peuple alsacien sera plus grand et plus fort, alimenté par toutes les diversités qu’il aura su accueillir. Ayons confiance en nous et à l’avenir !
Très bon texte Jean-François auquel je souscris entièrement. Bravo !
Ton analyse est bonne et correspond tout à fait à la vision autonomiste de la voie à suivre pour l’intégration des nouvelles populations.
J’ajoute que nous devons avoir la possibilité de développer nous-mêmes notre propre politique d’intégration : l’intégration doit se faire aussi au niveau régional pour permettre à ces populations fixées chez nous de “prendre racine” et, demain, de se sentir en Alsace dans leur “Heimet” ! Aussi devons-nous avoir les moyens de leur offrir l’accès à notre langue, à notre histoire et à notre culture pour qu’ils puissent devenir demain d’authentiques Alsaciens qui aimeront ce pays parce qu’ils le connaîtront mieux. Ne laissons pas à Paris le monopole de la politique d’intégration.
B.Wittmann
Merci Bernard. Tu as entièrement raison, mon raisonnement ne se tient que dans le cadre d’une très large autonomie, voire d’une Alsace indépendante. Quand on voit comment elle traite ses colonies et les méprise, je doute fort que la France puisse faire le chemin qui consiste à reconnaître ses torts et les réparer 🙁
Bravo Jean-François pour cette analyse tres juste sur le nationalisme non-avoue de la République Française.
Il est evident qu’un regime qui ne reconnait aucune langue, aucun peuple, avec une politique eugeniste, cherchant à eradiquer la diversité qui compose naturellement le territoire francais dans le seul but de créer un sentiment d’appartenance nationale à 100% artificiel, ne puise son ideologie que dans une xenophobie inavouée mais largement tolérée. Dans ce pays, un parti comme le FN ne cherche qu’à achever le travail commencé.
Raison de plus pour promouvoir un autonomisme ouvert et exemplaire, dans la lignée des Ricklin, Stürmel, Rosset, qui redonnera du credit a la politique.
Que rajouter d’autres 😉 Merci
Bravo pour cette analyse. Mais force est aussi de constater que les seuls peuples qui ont été respectés ont du employer la force.
Ce qui veut dire que notre démocratie bidon ne s’ajuste pas par le vote des citoyens mais par le rapport de forces médiatisé qui peut déboucher sur le pire.
Et la grande masse de nos concitoyens est anesthésiée par le consumérisme débilitant, à défaut par les discours populistes de ceux qui utilisent Jeanne d’Arc pour masquer leurs turpitudes.
Bonjour Paul,
Votre analyse n’est pas fausse dans le constat. La France nous a aussi conquis par la force et sait faire la belle. Mais elle courbe l’échine dès qu’on lui résiste ou lui rentre dedans. Souvenez-vous de la débandade en 1940 et du surnom des Français qui faisaient le coq… les Hàsabook. Ceci étant dit, je pense que la grandeur de l’Alsace est d’obtenir autrement que par la violence son indépendance ou une large autonomie dans une France devenue fédérale qui aura enfin la démocratie directe comme système politique.