Qu’il est difficile pour un français, d’appréhender le lien qui lie ceux qu’on appelle les régionalistes à leur territoire, à leur histoire et à leur culture…
Essayons d’aborder le problème autrement et projetons-nous dans une pure fiction… Pour ne blesser personne, inventons-nous un État-nation dont les habitants sont persuadés par leurs dirigeants qu’ils sont une espèce de race supérieure qui doit imposer son point de vue à la planète, sous peine de ne plus exister et d’être en danger. On les appellera au hasard, des ruchicains, leur capitale est Moswapé.
Et donc la France, pays européen, vit heureuse. Le plein emploi est là, les citoyens se sentent respectés et elle décide de ses affaires. Elle a déjà une histoire mouvementée, mais l’heure est au bonheur, même si des bruits de bottes commencent à se faire entendre.
Et voilà qu’un prince est assassiné et qu’une guerre se déclare. Les méchants ruchicains sont là. Ils attaquent l’Europe par la France, qu’ils envahissent après une guerre qui durera 4 ans et qui plongera le pays dans un profond désarroi. C’est donc avec un certain soulagement que les Français apprennent la fin de la guerre, même s’ils sont tristes de l’avoir perdue et qu’ils ne savent pas encore de quoi demain sera fait.
Pendant le conflit, quelques villes ont résisté plus que d’autres, dont la ville de Turkdour-sur-Seine. Sous les ordres d’un certain Abatcerf, grand général ruchicains, la ville est détruite, des enfants sont écrasés dans les pressoirs à raisin et le restant des habitants brûlés vifs dans l’église. Des villes entières seront incendiées par le même personnage qui se livrera à un véritable massacre parmi la population française.
Les Français voient les militaires ruchicains rentrer dans leur commune… Des drapeaux ruchicains sont distribués et des soldats ruchicains en civil poussent les Français à venir saluer l’envahisseur et font eux-mêmes la clique devant la télévision.
Cet épisode marquera le début de grands changements. Le plus important, c’est que les Français n’ont plus le droit de parler le français, devenu la langue de l’occupant. Des années plus tard, on fera croire aux générations suivantes que le français est tellement ringard qu’il contribue à rendre les enfants stupides… Seul le ruchicain est bon pour l’équilibre et l’élévation des enfants… Il est d’ailleurs aussi le ciment de la nation à laquelle appartient désormais la France, pays vaincu, provinces comme disent les ruchicains.
Dès la fin de la guerre, les anciens maîtres des écoles, qui enseignaient en français, sont vite remplacés par de vrais professeurs qui interdisent toute pratique du français dans l’école et qui imposent le ruchicain. Ils instaurent des punitions et des humiliations pour les plus récalcitrants, ceux qui persistent à pratiquer la langue de leur mère.
Puis vient le remplacement des fonctionnaires. Les fonctionnaires français sont remplacés par des fonctionnaires ruchicains dans toutes les administrations… même les maires sont placés sous la tutelle de secrétaires de mairie ruchicains qui leur expliquent les lois ruchicaines. D’ailleurs, ils doivent désormais, comme tous les autres élus territoriaux obtenir l’aval d’un fonctionnaire ruchicain, appelé Préfet, pour tout ce qu’ils entreprennent. Sans l’accord du Préfet, rien de possible. Les administrés, eux, sont confrontés à des situations ubuesques. Ils s’adressent désormais à des fonctionnaires qui ne parlent pas comme eux et qui instaurent de nouvelles règles qu’ils ne comprennent pas.
Plus grave, les ruchicains instaurent des cartes d’identité A, B, C et D selon ce qu’ils considèrent comme des Français d’origine A, qui auront le droit de devenir des ruchicains, jusqu’aux « étrangers », les D. Les D seront déportés. On les fait quitter le territoire… Et tant pis si l’étranger D est marié (e) à un(e) Français(e) A. Le conjoint français bénéficiera d’une procédure de divorce accélérée en 24 h ou devra quitter le territoire avec son D de conjoint… Les déportés doivent abandonner leurs biens. Seuls 30 kg de bagage et 2000 euros sont permis.
Et voilà que la monnaie change aussi, il faut très vite apprendre à compter en Arschloch, la nouvelle monnaie des ruchicains. Adieu l’Euro… Les Français voient aussi de nombreux Ruchicains s’établir en France. Certains touchent même des primes pour venir s’installer dans un pays arriéré qui pratique encore une drôle de langue… Ces implantations contribuent à diluer le sentiment d’appartenance à la France au sein de la population.
Puis viennent de nouvelles lois. Les Français qui vivaient dans une véritable démocratie doivent apprendre à composer avec le centralisme ruchicain, toutes les décisions se prennent à Moswapé, situé à des milliers de km.
À l’école, les parents découvrent que, désormais, l’histoire de France n’existe plus. Les Français sont devenus des ruchicains, ils doivent donc adopter le roman national ruchicain. Ils apprennent ainsi que les ruchicains ne les ont pas envahis puis annexés, mais bel et bien libérés de l’oppressante Europe. Ils apprennent que les ruchicains sont les chantres des droits de l’homme et des adeptes de la démocratie. C’est d’ailleurs au nom de leur vision très particulière de cette dernière que les ruchicains se livrent à d’autres guerres dans le monde, en prétextant porter secours à des habitants terrorisés…
L’histoire étant écrite par le vainqueur, on en oublie les massacres du sieur Abatcerf qui devient même un héros. Un monument sera dressé à l’entrée de la ville de Turkdour-sur-Seine qui lui résistait pour saluer la mémoire du grand libérateur de la ville.
Au départ, les Français pouvaient encore regarder des films et des émissions dans leur langue grâce à la Belgique et à la Suisse, non annexées, qui émettaient en français. Face à la bronca de quelques courageux Français, les ruchicains furent contraints d’accepter quelques heures en français sur les ondes radio. Une bouffée d’air frais pour de nombreux Français. Mais les promesses des ruchicains n’engageant que ceux qui y croient, ces émissions s’étiolèrent au fil du temps, au point de quasiment disparaître… Quant à la télévision, le passage au numérique et la fin de la télévision hertzienne allaient mettre un terme aux chaînes belges et suisses en français.
Les ruchicains ne juraient que par la laïcité pour gérer les religions. En France, on pratiquait le Concordat. Quand les ruchicains prétendaient ne pas se mêler des affaires des religions qui n’avaient rien à faire dans l’état, les Français, eux, préféraient contrôler les religions en rémunérant les chargés d’âmes et en supervisant leurs prêches.
Les ruchicains useront de ce moyen pour imposer leur langue. Ils ont accepté de laisser aux Français leur Concordat, mais uniquement si les cultes se tenaient en langue ruchicaine.
Quelques élus courageux, soutenus par le peuple français, arriveront à sauvegarder d’autres acquis français. Un régime de sécurité sociale, dont les ruchicains s’inspireront d’ailleurs pour créer le leur et un droit spécifique hérité de l’Europe seront ainsi toléré par les ruchicains, mais sans plus avoir le droit de vivre, que de mourir progressivement, et la gestion de l’ensemble était désormais assuré par les députés ruchicains siégeant à Moswapé.
Les ruchicains ont aussi inventé une école pour former les hauts-fonctionnaires en charge d’administrer l’empire ruchicannois. Quelques Français ont pu y accéder, ils deviendront des ruchicains convaincus de l’action bienfaisante des ruchicains.
Nombre de Français oublieront vite la France, par confort, soumission ou résignation, pour devenir plus ruchicains que les ruchicains d’origines et certains se feront même élire dans le système ruchicain. Celui-ci est d’ailleurs si confortable pour les élus qu’ils comprennent vite qu’il vaut mieux avoir la mémoire courte et adopter l’histoire ruchicaine. Alors, ils vont cautionner le monolinguisme ruchicain. Ils vont donner le nom des grands héros ruchicains aux plus grandes avenues des villes qu’ils dirigent.
Pour parvenir à des postes plus importants, ces élus doivent adhérer et se soumettre dans les grands partis politiques ruchicains qu’on appelle de gauche ou de droite selon la place qu’ils occupent dans l’Assemblée, à Moswapé.
Pour bien montrer leur allégeance, ils dresseront des monuments à la gloire des ruchicains et rendront des hommages appuyés aux vainqueurs qui seront présentés comme des libérateurs, oubliant aussi les anciens qui eux se retournent dans leur tombe à chaque cérémonie d’hommage à la gloire de ceux qui les avaient tués.
Bien sûr, ils oublieront le drapeau bleu blanc rouge pour adopter le magnifique drapeau ruchicain. Quant à la Marseillaise, elle a été reléguée au fond des archives et plus personne ne la connaît… même pas dans sa version ruchicaine.
Plus personne ? Pas tout à fait, car quelques résistants restent actifs, mais ils ont bien du mal à se faire entendre. Ils se battent pour préserver leur langue, leur véritable histoire, leur culture et leur tradition, refusant de devenir des ruchicains soumis à Moswapé. Les soumis en feront des parias, se moqueront d’eux, les traiteront d’extrémistes, de fachos, tandis que la presse, désormais totalement aux ordres des ruchicains, les méprisera tout simplement, quand elle ne les dénigrera pas.
L’Assemblée nationale devient le théâtre national de Paris. On y joue désormais les pièces de tous les grands auteurs ruchicains. Plus personne ne se souvient que le bâtiment était le symbole de la démocratie pour la France. D’ailleurs plus personne ne se souvient que la France n’a pas toujours été qu’une simple province ruchinaine.
Un jour, quelques dirigeants ruchicains ont décidé que la France devait fusionner avec l’Espagne et le Portugal. Le Premier ministre ruchicain à même déclarer qu’il n’y a pas de peuple français, qu’il n’y a que le peuple ruchicain. Pour justifier cette folie, les dirigeants ruchicains expliquent qu’il fallait des zones plus grandes pour rivaliser avec le reste du monde.
Les Français n’étaient pas d’accord avec cette décision. Ils ont même réussi à faire signer un million de pétitions sur papier et à manifester très nombreux, mais rien n’y fit. La France n’existe désormais plus sur les cartes du monde. Les ruchicains, pour préserver les apparences placèrent un français, bien entendu très soumis aux ruchicains, à la tête de l’ensemble et baptisèrent l’ensemble Grand Nord, par rapport à la capitale des ruchicains, Moswapé, située en Afrique, après un simulacre de processus démocratique. Pour calmer des Français de plus en plus en colère, les ruchicains imposèrent aussi la capitale du Grand Nord à Paris. Et c’est ainsi que s’est achevé l’histoire de France, 100 ans plus tard, seuls quelques historiens connaissaient encore son histoire. 300 ans plus tard, le nom France disparait même du dictionnaire…
Voilà, je vais mettre fin à cette belle histoire ici pour permettre à chacun de réfléchir.
Si demain la France devait subir le scénario décrit, qu’elle serait l’attitude des courageux Français, si prompts à célébrer la gloire des résistants, à décorer ses valeureux guerriers, à glorifier la liberté, l’égalité et la fraternité ?
Dans sa véritable histoire, elle s’est déjà soumise à une invasion et cette soumission était incarnée par un nom : Pétain. La résistance et le refus de se soumettre se sont appelés De Gaulle.
Mais dans l’histoire que je viens de conter, la France, c’est l’Alsace.
Mais chaque région conquise par la France pourrait l’adapter selon sa propre histoire, sans grande différence.
Les ruchicains, ce sont les Français.
Moswapé, c’est Paris…
Paris, c’est Strasbourg…
Abatcerf, c’est Turenne…
Turkdour-sur-Seine, c’est un mélange d’Oradour-sur-Glane et de Turckheim, même si Oradour-sur-Glane n’a jamais été obligé de dresser un monument à la gloire d’Adolf Diekmann, commandant la troupe de SS qui a massacré la ville, contrairement à Turckheim qui rend toujours hommage à son bourreau. De son plein gré aujourd’hui…
Bien entendu, les faits relatés sont authentiques, la France s’est bien livrée aux pratiques décrites…
Voilà, les autonomistes et indépendantistes alsaciens incarnent le refus de disparaître d’une nation millénaire. Loin d’être les extrémistes de la propagande française, ils incarnent l’esprit d’ouverture et de culture de l’humanisme rhénan et refusent de le voir disparaître suite à des décisions méprisant les règles du droit, de la démocratie et condamnées par le Conseil de l’Europe.
Ils ont bien conscience que les Français sont bercés, dès leur plus tendre enfance, par ces idées de grandeur, de mégalomanie et pétrie par l’éducation nationale de cette une et indivisible république.
Dès lors, ils comprennent qu’il leur est très difficile d’accepter ou même de simplement concevoir que les agissements de leur pays, qu’ils croient, en toute sincérité, berceau des droits de l’homme et qu’ils perçoivent comme un phare dans le monde, présente une face obscure terrifiante et déshonorante, d’autant plus que les dirigeants, par intérêts, sont dans le déni le plus complet. Ils refusent tout simplement de regarder la vérité en face, poussant le cynisme jusqu’à expliquer les bienfaits culturels de leurs méthodes.
Néanmoins, leur compréhension atteint les limites de l’acceptable. La France vient de supprimer l’Alsace des cartes du monde. Les Alsaciens ne sont pas disposés à accepter cette ultime humiliation !