Froides questions à nos dirigeants locaux et nationaux

Froides questions à nos dirigeants locaux et nationaux

Chers dirigeants… élus,

Ainsi donc, nous serions en démocratie, ce système selon lequel, et c’est écrit à l’article 2 de la Constitution française, dont je suis encore dépendant, malgré moi (le malgré-moi étant un mal très alsacien) : Son (le) principe (de la République française) est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

Le peuple, ce sont les imbéciles comme moi qui payent impôts et taxes pour payer les décideurs comme vous pour que vous preniez des décisions qui aillent dans le respect la vie commune et harmonisent le vivre ensemble.

Ceci est d’autant plus vrai que l’article 3 de la Constitution dit exactement le contraire de l’article 2, à savoir que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et la par le voie du référendum ».

Et là, on voit tout de suite l’entourloupe. La souveraineté nationale appartient au peuple, mais le pouvoir appartient aux élus qui n’entendent pas le partager avec les citoyens, puisque les résultats des trois derniers référendums organisés ont été systématiquement inversés par les élus :

  • Le peuple a dit non à l’Europe, les élus ont décidé l’inverse et nous avons cette Europe puante du fric et de la finance ;
  • les Alsaciens ont dit non à une grande région Alsace, les élus ont décidé qu’ils ont auront un truc encore plus gigantesque, à savoir le grotesque Grand Est et en prime, un giga département Alsace avec de giga comcom qui est en fait l’objet de ce post ;
  • les Nantais ont dit oui à l’aéroport Notre-Dame des Landes, mais les élus ont décidé que non. Sur ce dernier point, on mesure toutefois comment les élus savent manipuler les circonscriptions électorales en fonction du résultat souhaité… passons.

J’en arrive donc aux questions. La fumeuse loi NOTRe, visait à donner une dimension européenne aux régions françaises pour leur permettre d’affronter la mondialisation… soit. On commence seulement à mesurer l’hérésie de ce délire d’énarque, mais je vais rester ouvert et essayer de comprendre en partant du vécu de ma petite commune de Waldighofen, dans le sud de l’Alsace, cette région d’où l’on voit la Suisse…

Avant la loi NOTRe, notre comcom humaine, Ill et Gersbach avait décidé d’ouvrir une déchèterie qui, sous la houlette de l’ancien maire, s’était implantée à Waldighoffen. Muni d’une carte que j’avais pu retirer, en m’y rendant à pied, dans les bureaux de ma comcom, sis alors à Waldighoffen, je pouvais y aller autant de fois que je voulais, aux heures d’ouverture. Que surviennent un jour une exception, pour une raison bien précise (aménagement, dégât des eaux, etc.) et on pouvait encore contacter le maire avec qui il était possible de s’arranger et de faire ouvrir la déchetterie à titre exceptionnel. On était dans un système pratique, humain, qui permettait de recycler ses déchets. 

Et puis, il a eu la loi NOTRe, que vous avez tous acceptés, sans vous battre autrement que par des propos méfiants dans la presse. Il faut dire qu’à la clé, le pouvoir avait tout prévu, puisque l’indemnité liée à vos nouvelles fonctions d’élus augmentait à l’avenant du nombre d’habitants de la comcom… passons.

Dès lors, la méga comcom, décidé par un Préfet (rappel de l’art. 2 de Constitution : gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple) s’est installé avec cette promesse de plus d’efficacité à moindre coût.

En ouvrant un jour ma boite aux lettres, j’y trouve un document sur lequel je découvre que mon badge d’accès à la déchetterie ne serait plus valide et qu’il me faut récupérer le nouveau, qui me donne droit à 18 passages par an ???

Mais où est le progrès quand avant je pouvais me rendre à la déchetterie quand bon me semblait ? Ah oui, je peux me rendre à la déchèterie d’Altkirch ou celle d’Illfurth, quel progrès ! Je dois faire plus de kilomètres et mon passage est compté, j’ai du mal à comprendre où est le progrès.

Je me rends donc à pied dans les locaux de la comcom pour récupérer mon nouveau badge et là, surprise ! Les bureaux sont fermés, pas de panneaux pour indiquer les horaires d’ouvertures, juste une invitation à sonner si l’on veut se rendre au service « enfance et jeunesse ». Je sonne donc pour m’enquérir des horaires d’ouvertures, et là, on m’apprend qu’il n’y a plus d’accueil, et que seuls les services de la voirie et de l’enfance sont encore présents dans les murs de ce qu’il faut bien appeler « l’ancienne comcom »… 

Pour récupérer le fameux badge, pas d’autres choix que de me déplacer à Ferrette, dont les bureaux ne sont ouverts que le lundi et le mercredi. Zut, pas d’horaires sur le papier que j’ai récupéré à mon ancienne comcom… Qu’à cela ne tienne, je vais donc appeler pour m’enquérir des horaires. Hélas pour moi, la personne en poste à Ferrette est malade et le service est donc fermé aujourd’hui, seule alternative : attendre la semaine prochaine ou rouler jusqu’à Altkirch en priant pour que la personne de l’accueil n’avale pas de travers une bouchée de son repas de midi…

Pas de doute, je ressens très bien tous les bienfaits de cette loi NOTRe qui éloigne chaque jour les services publics de ses administrés… Tant qu’à faire, pourquoi ne pas fermer tous les bureaux et passer à une administration centralisée en ligne avec de grands bureaux d’accueil… à Paris, le reste se faisant par internet ?

Mais si les bureaux ferment et que la charmante personne qui m’accueillait avant dessert maintenant l’intégralité de la comcom, c’est qu’il y a eu une réduction d’effectif. Alors, pourquoi mes impôts locaux n’ont-ils pas baissé ? 

De plus, cette nouvelle méga comcom a récupéré des compétences de ma commune, mais alors, pourquoi les impôts de ma commune ne baissent-ils pas ?

Pourquoi dois-je maintenant prendre mon véhicule pour me rendre à Ferrette ou à Altkirch pour chercher cette nouvelle carte ? On sait que détruit notre planète en faisant des kilomètres, 18 km aller-retour si je vais à Ferrette, 23 km pour Altkirch.

Quid du prix de la course avec l’essence qui augmente, est-ce là la notion de proximité qui a été utilisée pour vendre la sauce piquante au goût amer de la loi NOTRe ?

Le fait est là incontestable et lamentable, les comcom ne sont plus des instances de proximité visant à mettre en commun des compétences déléguées par les élus communaux, les derniers « élus » encore en phase avec le peuple… À quand l’élection des conseillers des comcom au scrutin de liste (donc politisé pour donner encore plus de poids aux partis politiques) pour enlever définitivement les derniers pouvoirs aux maires ?

PS : Comme un signe qui ne trompe pas, quand vous cliquez sur l’onglet territoire du site de la communauté de communes du Sundgau, vous pourrez contempler… le vide, la page blanche, le néant. À l’image de ces méga trucs, en somme.

L’allemand est aussi une langue de France

L’allemand est aussi une langue de France

Je ne résiste pas au plaisir de partager avec vous ce magnifique texte de M. le professeur Gilbert DALGALIAN, écrit à Mulhouse le 19 novembre 2016.

Pour information, voici sa biographie :

Successivement instituteur à Paris, enseignant de français langue étrangère à Calcutta et à Berlin, professeur d’allemand et chercheur didactique des langues à Zurich, docteur en linguistique (université Nancy II), formateur d’enseignants au Sénégal, en Côte d’Ivoire (UNESCO) et à Munich, spécialiste de l’ingénierie éducative et de l’apprentissage précoce des langues, Gilbert Dalgalian fut, entre deux postes à l’étranger, Directeur pédagogique de l’Alliance française de Paris de 1983 à 1988.

Un grand merci à Jean Baeumlin pour l’illustration. Retrouvez-le sur Facebook : https://www.facebook.com/lovely.elsa.alsace/


Le linguiste se trouve dans cette position singulière de devoir enfoncer des portes ouvertes — des évidences donc — que la politique et les idées reçues s’acharnent à verrouiller.

C’est pourquoi il me revient de rappeler ces évidences, car les idées reçues sont aussi résistantes que des verrous. Et au-delà des évidences, il me faut également désamorcer ces idées reçues et les phobies sous-jacentes.

D’abord les évidences :

L’Alsace et la Moselle ne sont pas les seules régions qui possèdent une variante germanique autre que l’allemand standard. Il est utile de se remettre en mémoire le recours respectif au standard et à la langue locale dans l’ensemble des pays germanophones.

En Allemagne les locuteurs badois, wurtembergeois et bavarois — même lorsqu’ils pratiquent leur langue régionale à l’oral — basculent vers le standard lorsqu’ils passent à l’écrit.

Pourquoi ce basculement ?

Souvent pour être compris d’un public plus large : cent millions de germanophones natifs, ce qui fait de l’allemand la première langue de l’espace européen. Mais aussi et surtout parce que le standard permet de couvrir bien des domaines que la langue régionale, même vivace comme en Bavière, ne couvre pas.

Quels sont ces domaines auxquels seul le standard donne accès ? Une grande part de la sphère professionnelle et commerciale, la totalité de la sphère administrative, l’essentiel des disciplines scolaires et universitaires et la plupart des activités littéraires et journalistiques. Cela même quand des auteurs maintiennent contre vents et marées une littérature, une poésie et une presse en langue régionale. (Pour le bavarois je citerai ici l’écrivain et humoriste Ludwig Thoma).

La situation en Autriche est assez semblable à celle de l’Allemagne du Sud et je ne m’y étendrai pas. Regardons plutôt le paysage linguistique de la Suisse alémanique.

En Suisse non seulement le peuple pratique le Schwitzerdütsch à l’oral, mais en outre le Schwitzerdütsch diffère passablement d’un canton à l’autre. Que se passe-t-il quand les locuteurs de Suisse alémanique passent à l’écrit ? Eux aussi basculent vers le standard allemand pour exactement les mêmes raisons que les Bavarois et les Autrichiens. Mais avec une différence de taille : ils ne disent pas qu’ils passent au Hochdeutsch, mais au Schriftdütsch, ce qui est doublement révélateur : c’est leur standard réservé à l’écrit !

Le terme de Schriftdütsch révèle dans un même mouvement leur dépendance complète par rapport à l’allemand dans toute une série de domaines et la stricte limitation de cet usage aux seuls domaines où l’allemand est incontournable : l’écrit. Et leur seul écrit !

Pourtant cela peut se prolonger parfois à l’oral, par exemple dans des situations professionnelles plus formelles impliquant des étrangers ou des germanophones non suisses. Là les Suisses diront « Reden wir nun ‘Schriftdütsch’ (Parlons le standard [par politesse pour nos hôtes]).

Revenons maintenant en France : est-ce que les locuteurs de l’alsacien ou du francique mosellan ont moins de raisons que les autres germanophones de basculer vers le standard allemand lorsqu’ils passent à l’écrit ?

Certes la plupart de leurs besoins — professionnels, administratifs, scolaires et autres — sont couverts par le français. Pourtant lorsque le passage d’un oral alsacien à un écrit de la même famille de langues s’avère nécessaire, utile ou agréable, cet écrit pourrait et devrait être en allemand standard. Les DNA (Dernières nouvelles d’Alsace) et le quotidien l’Alsace ont longtemps eu une édition bilingue faisant une large place à l’allemand. Hélas les politiques et la disparition de nombreux locuteurs ont abouti à cette régression : la presse quotidienne bilingue n’existe plus ; elle est remplacée par un supplément hebdomadaire envoyé aux seuls abonnés.

A ce point précis je souhaite montrer pourquoi ce serait une hérésie de vouloir opposer l’alsacien à l’allemand : ce serait se tirer une balle dans le pied, car — ici comme ailleurs — l’allemand est le fond de réserve culturel et le prolongement naturel de l’alsacien. Et depuis longtemps !

Voici un rappel historique indispensable : comme le souligne le sociolinguiste Dominique Huck, pendant très longtemps ni le côté officiel français, ni les locuteurs alsaciens n’ont fait de différence entre le parler oral et le standard. « Jusqu’à la fin du XIXe siècle, nous dit-il, c’est le terme « Ditsch » ou « Deutsch » qui est utilisé pour désigner aussi bien les formes parlées en Alsace que les formes écrites en standard.

Paradoxalement c’est sous le 2eReich après 1870 que, l’Alsace n’ayant pas le même statut politique que les autres régions de l’empire, apparaît l’expression « Elsässerdeutsch » et plus tard « Elsässisch ». Mais c’est — bien plus tard — la politique linguistique française qui va s’engouffrer dans ce distinguo fallacieux, lequel servira à mieux estomper le lien organique entre l’oral alsacien et l’écrit allemand.

Quand donc a eu lieu l’entrée historique — largement occultée aujourd’hui — de la langue allemande dans l’univers français ? Remettons les pendules à l’heure : cela remonte à 1648, date du premier rattachement de l’Alsace et de la Moselle au royaume de France en application de la Paix de Westphalie. En vertu de quoi, on peut attribuer à la diplomatie de Richelieu d’abord, puis à Mazarin ensuite, l’entrée de la langue allemande dans le royaume de France. Pour près de trois siècles !

Revenons au présent. Un écrit en alsacien n’est certes pas rare, mais il se pratique dans des domaines plus limités que l’allemand. Dans ces conditions posons la vraie question : d’où vient le peu de place officiellement réservée ici à l’allemand ? Cela à l’inverse, notons-le, des usages observés en Bavière, en Autriche, en Suisse et même au Luxembourg (où le français et l’allemand coexistent avec le francique luxembourgeois).

La raison linguistique plaiderait pour des usages similaires ici aussi. Il faut donc chercher ailleurs les racines de cette exclusion de facto de l’allemand, cause de son recul généralisé en Alsace et en Moselle. Exclusion qui n’a d’équivalent symétrique que la « défrancisation » — la « Entwelschung » — pratiquée par les nazis entre 1940 et 1945.

Exclusion de facto ? Oui, cent fois oui : l’allemand est ici non seulement très largement absent des écrits professionnels et commerciaux, mais il est en outre insuffisamment promu dans l’institution scolaire et universitaire.

Insuffisamment par rapport aux nombreuses relations de l’Alsace et de la Moselle avec leurs voisins allemands et suisses ? Insuffisamment eu égard au grand nombre d’emplois frontaliers perdus, soit par manque de bilingues, soit parce que les bilingues alsaciens n’ont plus la pratique du standard.

Un recul grave a eu lieu lorsque l’ORBI — Office régional pour le bilinguisme en Alsace — a été remplacé par l’OLCA — Office pour la langue et la culture d’Alsace — dont la marque aura été de délaisser l’allemand sous le prétexte de se concentrer sur l’alsacien. Comme si les deux formes n’étaient pas complémentaires, comme si elles n’étaient pas « les deux faces d’une même médaille », ainsi que l’a écrit Pierre Klein.

[Comme un signe de ce changement, tandis que l’ORBI me sollicitait régulièrement pour animer conférences et séminaires sur les avantages d’une éducation bilingue, avec l’OLCA je n’ai plus été appelé à servir cette cause].

Quant à la politique scolaire officielle, elle vient encore aggraver cette régression : le nombre de (vraies) filières bilingues précoces français/allemand — bien qu’en progression relative depuis peu — ne correspond ni aux potentialités ni aux besoins économiques, commerciaux et professionnels de l’Alsace. La situation scolaire en Moselle est pire.

Je reviens donc à ma question : « Pourquoi tant d’exclusion qui frise l’ostracisme ? »

Idées reçues et phobies :

Les idées reçues reposent sur deux axiomes erronés.

Premier axiome erroné : le monolingue aurait une meilleure maîtrise du français et une seconde langue nuirait aux compétences de l’élève en langue nationale. Il m’appartient de combattre cette idée que malheureusement certains enseignants ont souvent encore en tête. Car c’est le contraire qui est vrai. Pour plusieurs raisons.

1ercas : quand un enfant a acquis des rudiments de langue alsacienne à la maison, il ne doit pas être traité comme une tabula rasa par l’école : l’éducation doit au contraire exploiter ses acquis linguistiques. Sinon cela entraîne un déficit cognitif déstabilisant, au moins un manque à gagner et au pire un frein dans sa pratique du français.

Second cas : lorsque l’enfant n’a pas bénéficié d’une transmission familiale de l’alsacien et qu’il découvre et acquiert cette langue à la maternelle, ce n’est pas exactement une langue de plus à apprendre (comme ce serait le cas plus tard au collège et au lycée). Il s’agit d’autre chose : une seconde langue précoce est une véritable formation cérébrale et intellectuelle. Pas seulement une ouverture et un complément de culture comme les langues abordées tardivement au collège et au lycée.

Pourquoi parler de formation cérébrale ? Parce qu’’à cet âge précoce on n’acquiert pas la langue de façon consciente et volontaire, mais dans le vécu des jeux et des interactions, des comptines et des chansons. De telle façon que l’élève pratique des allers-retours permanents entre ses deux langues spontanément et de plus en plus efficacement, sans traduire ni réfléchir, mais dans une libre reformulation de ce qu’il ressent ou veut exprimer. Avec des affabulations et des omissions propres à cet âge.

Ces va-et-vient permanents l’amènent à saisir que derrière des formes différentes s’expriment des contenus identiques. Ce malgré quelques différences culturelles. L’enfant en classe bilingue précoce a très tôt touché du doigt à la fois la relativité des formes et des mots et l’universalité très large des contenus, des idées et des sentiments. Voilà une formation de l’esprit qu’aucune acquisition tardive n’apporte avec autant de profondeur et d’efficacité.

Le jeune enfant apprend dans un vécu que l’Autre n’est qu’une variante humaine, comme moi avec ses différences.

L’avantage que donne la connaissance d’une seconde langue, Goethe l’avait déjà énoncé en son temps : » On ne connaît bien sa langue que lorsqu’on en parle d’autres ».

Les arguments avancés par les responsables de l’Éducation nationale des années d’après-guerre étaient : « Les dialectes ne sont pas de vraies langues, car elles n’ont pas de grammaire ». Ceci n’est rien d’autre qu’une ineptie. La grammaire n’est pas cette description de la langue que prodigue l’école.

La grammaire arrive dans un cerveau d’enfant à l’oral et avant l’école : dès qu’il observe, engrange et reproduit les féminins, les pluriels, les formes des verbes, les constructions de phrases et l’ordre des mots, les prépositions et, le cas échéant, les déclinaisons. C’est toute cette morphosyntaxe que nous avons intériorisée et automatisée entre zéro et sept ans. Et c’est justement cette dimension de la langue qui devient plus difficile à acquérir après cet âge.

Bref, une langue sans grammaire, ça n’existe tout simplement pas. L’acquisition de ces automatismes grammaticaux à un âge tendre assure une plus grande fluidité de la parole et plus tard à l’écrit.

L’acquisition d’automatismes linguistiques est ensuite transférable à d’autres langues. Or ce sont les automatismes du très jeune âge qui permettront l’apprentissage de nouveaux automatismes pour les langues tardives du collège et du lycée. Là les avantages du bilingue sont patents, il dispose d’un double stock de sons, de mots et de structures, et ses transferts à d’autres langues sont plus aisés et plus rapides que chez l’enfant unilingue. Ce qui me permet de dire que le bilingue précoce est un plurilingue en herbe.

On n’est donc pas meilleur francophone parce qu’on est monolingue. C’est le contraire !

Second axiome erroné : le locuteur monolingue serait un meilleur citoyen : cela n’est jamais exprimé de cette façon explicite, mais c’est souvent sous-jacent. Or cela fait bon marché de nos auteurs, savants, artistes, chanteurs et comédiens — dont les noms fourmillent sur nos écrans et dans notre histoire — qui ont passablement enrichi la création française grâce à leurs doubles racines linguistiques et culturelles.

Sans parler de tous ces « Morts pour la France » qui étaient des locuteurs d’une langue africaine ou autre et pour qui le français était leur seconde langue.

Ces deux axiomes sont des constructions idéologiques. Celles-ci ont été élaborées au fil du temps et des méandres de l’histoire. Elles n’ont aucun fondement en sciences humaines. Pourtant si elles ont trop longtemps intoxiqué la pensée — ou la non-pensée — c’est que derrière ces idées reçues se cachent des phobies tenaces.

Un premier indice de ces phobies — indice subtil, mais omniprésent — se révèle dans l’exclusion quasi systématique des accents régionaux chez les présentateurs et les chroniqueurs de nos médias. Exclusion des accents que l’on n’observe ni sur les chaînes allemandes, suisses ou autrichiennes, ni d’ailleurs dans les autres pays européens. Cependant on accepte et on apprécie dans nos médias les accents des étrangers qui parlent français, souvent assez correctement. Ce qui signifie que l’exclusion vise surtout les accents de France… .

Ici il convient de noter que les locuteurs d’une langue régionale de France ne perdent pas tous leur accent, pourtant dévalorisé dès l’école. Les Méridionaux occitanophones et basques, par exemple, se font un plaisir de conserver leur accent : ce n’est pas qu’ils seraient incapables de s’en débarrasser puisque beaucoup le font ; non, c’est une forme de résistance culturelle que de marquer son occitanité, même lorsqu’on ne parle plus l’occitan.

Mais l’exclusion des accents n’est qu’un indice révélateur d’une glottophobie plus grave. Ce qui n’est que la partie émergée de l’iceberg cache un verrou idéologique plus profond que l’on peut formuler ainsi : le nivellement linguistique serait indispensable à l’unité de la nation.

Nous voilà au cœur du blocage : on recherche l’unité et l’égalité dans l’uniformité des citoyens ; on accorde au nivellement linguistique et culturel des attributs qu’il n’a pas. Ce nivellement n’est pas synonyme de démocratie ni de république ; il est synonyme de non-respect du peuple dans ce qu’il a de plus profond, son parler. Or le respect est le fondement de toute démocratie.

Dans le cas de l’exclusion de l’allemand en Alsace, la pulsion de nivellement s’est appuyée sur un lourd passé de guerres franco-allemandes. Mais n’est-il pas venu le temps de bien faire la distinction entre langue et histoire, entre passé et présent ? Et l’amitié franco-allemande n’est-elle qu’un gadget pour grandes mondanités internationales ? Il est temps de dépoussiérer la perception de notre voisin et de dépolluer l’atmosphère des miasmes du passé. Il est temps de redonner à la langue allemande sa place de choix non seulement comme langue du voisin et ami, mais aussi comme langue écrite et arrière-plan culturel des locuteurs de l’alsacien et du mosellan, lorsqu’ils le désirent.

Comme l’a écrit Dominique Huck, cela exige une politique linguistique volontariste d’envergure. Et j’ajouterai un renversement de perspective profondément humaniste.

Oui, l’allemand est aussi une langue de France. Et que vivent et prospèrent les classes bilingues français/allemand/alsacien !

Oui, la France viole la loi !

Oui, la France viole la loi !

Je vois, de-ci, de-là, que la France n’aurait pas violé la Charte européenne de l’autonomie locale puisque le Conseil d’État a déclaré que ce n’était pas le cas… Ah bon ?
 
Rappelons qu’un jacobin ne raisonne qu’en termes de puissance et d’apparence… c’est l’apparence de la puissance qui donne la force au pays de s’imposer aux autres. Il faut donc coûte que coûte préserver les apparences ! Rappelons aussi que le Conseil d’État est la récompense suprême du système à ceux qui auront été les plus jacobins durant leur carrière. Voyez ce qu’en dit Le Monde.
 
Ne retenons que cet extrait de l’article : « Comment expliquer aux citoyens, aux entreprises, aux collectivités territoriales qui ont sollicité du juge administratif une décision impartiale dans leurs litiges avec un préfet, un ministre ou le président de la République lui-même, que la question va être tranchée en partie par des personnes nommées en raison de leur proximité du pouvoir politique et qui ne possèdent aucun diplôme de droit ? »
 
Serait-ce donc que le Conseil d’État de la France ne soit qu’un ramassis de serviteurs zélés de l’État jacobin, même pas forcément compétent en droit public ? Je vous remets ici un autre extrait de l’article du Monde cité ci-dessus, pour savoir si ça se passe aussi comme ça chez nos voisins : « Chez nos plus proches voisins européens, en Italie, en Espagne, en Allemagne, il est indispensable de justifier des plus hautes qualifications juridiques (ce qui semble évident nous parlons de la Cour suprême !) et d’avoir démontré une aptitude à l’exercice des fonctions de juge. »
 
Voilà, le décor est planté. Étudions maintenant cette charte qui vaut, en France, comme un traité international qui prime donc sur les lois nationales.
 
Après le recours d’Unser Land, de la FDA et d’autres à l’époque le Conseil d’État a jugé que la fusion des régions est valable prétextant qu’elle ne s’applique qu’entre États membres : particuliers et associations n’ont pas pouvoir de protestation. On mesure la valeur « juridique de l’argument » qui serait parfaitement recevable… dans une dictature.

Reste que les autres démocraties du Conseil de l’Europe ne sont pas des citoyens français, elles, et qu’elles n’ont donc pas comme nous, juste de droit de la fermer et de passer leur chemin. Les rapporteurs ont donc rempli leur mission d’examen de la démocratie en France et ont rendu un rapport que l’on peut lire ici :
https://rm.coe.int/1680719445#_Toc438547523 et qui évoque la loi NOTRe.
 
Ce rapport a été validé à l’unanimité… moins les voix de la France. J’étais dans l’hémicycle à ce moment, et on sentait bien l’agacement des rapporteurs face aux manœuvres de la délégation française qui essayait de biaiser la responsabilité de la France avec des arguments risibles…
 
Dans les chapitres qui précèdent le point 208, le plus important que je reproduis ici, les rapporteurs expliquent toute la démarche de la France, jusqu’à la décision très discutée du Conseil d’État. Après avoir bien étudié la question, y compris la décision du Conseil d’État après notre recours :
208. Les rapporteurs concluent par conséquent que les procédures d’adoption de la loi du 16 janvier 2015 relative « à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral » n’ont pas respecté les dispositions de la Charte susmentionnées et qu’il y a donc eu violation de l’article 5.
 
Nous avons donc bien, dans un rapport du Conseil de l’Europe, une phrase qui dit très clairement :
 
IL Y A DONC EU VIOLATION DE L’ARTICLE 5 !
 
Et que dit cet article 5 de la charte ?
 
Article 5 — Protection des limites territoriales des collectivités locales
Pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet.
 
Un simple citoyen comprend la chose… visiblement, pas un énarque ! Ni nos élus ni, nous, citoyens, n’avons été consultés. Et ce n’est pas faute de l’avoir demandé avec la pétition « Alsace, retrouve ta voix » qui avait, en mars 2015, réuni plus de 117 000 signatures d’Alsaciens sur des pétitions en papier, avec pour chacune d’elles les coordonnées et le bureau de vote, en Alsace, du signataire.
 
Dès lors, je prierai ceux qui osent nous dire qu’il n’y a pas de violation de la Charte européenne de l’autonomie locale au prétexte que le Conseil d’État à dit que… d’avoir au moins la décence de se taire s’ils acceptent, sans sourciller, d’être dans un pays qui dérive de plus en plus vers une dictature !
Le droit de seigneuriage existe encore !

Le droit de seigneuriage existe encore !

Savez-vous que ce droit existe encore et qu’il fait réellement de vous des sujets de ceux qui le détiennent et qui ont donc le pouvoir sur vous ?

« N’importe quoi ! » me répondrez-vous… et pourtant.

 Le droit de seigneuriage, si l’on se réfère à ce qu’en dit Wikipédia, c’est l’avantage financier direct qui découle, pour l’émetteur, de l’émission d’une monnaie. Dans le cas de la monnaie fiduciaire, émise seulement par les banques centrales, il est égal au montant émis, moins ses coûts de fabrication, de mise en circulation et d’entretien (remplacement des espèces usagées). S’ajoutent à ce revenu les intérêts de refinancement du système bancaire par l’institut d’émission.
Dans le cas de la monnaie scripturale, ce sont les banques de second rang (banques commerciales) qui, ayant seules le privilège d’émettre cette monnaie sous forme de crédits, bénéficient de l’avantage financier du seigneuriage. Il est égal à la différence entre le coût de la gestion des comptes chèques et le taux d’intérêt de refinancement auprès de la banque centrale.

Monnaie fiduciaire, monnaie scripturale ?

C’est très simple, la monnaie fiduciaire, ce sont les billets et les pièces qu’on a dans nos porte-monnaie. Cette monnaie est créée par la banque centrale. La BCE pour l’Europe, la BNS pour la Suisse, etc.

La monnaie scripturale, du latin classique scriptura, « écriture », c’est le montant qui figure sur votre extrait de compte. Et ne croyez pas que les deux termes « fiduciaire » et « scriptural » désignent la même chose : la monnaie scripturale, c’est un peu comme les jetons que vous recevez au casino si vous jouez. Vous donnez votre argent au casino (donc il ne vous appartient plus) et en échange, vous recevez des jetons avec lesquels vous pourrez jouer ou consommer au sein du casino. En le quittant, vous pourrez à nouveau convertir vos jetons en monnaie fiduciaire ou décidez de garder vos jetons pour votre prochain passage. Votre compte en banque fonctionne à l’identique. Tant que vous êtes dans le « système » de votre banque, vous pouvez échanger en lignes d’écriture (virement, carte bancaire, chèque) ou décider d’en sortir en demandant de la monnaie fiduciaire (au guichet humain, mais le plus souvent au guichet automatique — vous noterez toutefois qu’aujourd’hui vous ne pouvez plus retirer tous vos dépôts en une fois sans avoir prévenu la banque…). Pour ceux qui ne l’auraient pas compris : quand vous mettez votre argent dans une banque, vous ne faites rien d’autre que de donner votre argent à la banque… qui en retour vous fait une promesse de vous payer à première demande et cette promesse, c’est le montant de votre extrait de compte, la monnaie scripturale. La nuance semble infime, mais l’argent que vous avez déposé à votre banque ne vous appartient pas, sur le plan juridique, il appartient à la banque. En contrepartie, vous acceptez et recevez la promesse de la banque de vous payer les sommes demandées quand vous le voulez via les moyens de paiement que la banque met à votre disposition. Si la banque fait faillite… adieu votre argent ! Vous pourrez faire valoir votre extrait de compte chez le liquidateur, pour la forme et le décompte du montant de la faillite.

Pour être complet, il faut encore rajouter un autre type de monnaie… la monnaie centrale. C’est la seule qui représente vraiment la valeur de l’argent et devinez quoi ? Seules les banques ont le droit d’en profiter. C’est dans cette monnaie qu’elles commercent entre elles et avec les banques centrales. Nous, les sujets, nous devons nous contenter d’un peu de monnaie fiduciaire, mais ça dérange les maîtres, et des opérations en lignes d’écriture, la monnaie scripturale. C’est en monnaie centrale que se font les échanges dans les chambres de compensation des banques.

Comment en est-on arrivé là ?

Ce privilège indu des banques peut être mis en perspective avec la présence de plus en plus marquée d’anciens banquiers dans le monde politique. Mario Draghi, président de la Banque Centrale européenne, était vice-président de la branche européenne de la banque d’affaires américaine Goldman Sachs. Que penser du pantouflage de Manuel Barroso, ancien président de la Commission européenne, dans cette même banque ? Emmanuel Macron est aussi un enfant de la banque Rothschild… comme un autre président avant lui, qui est à l’origine de la dette actuelle de la France, Georges Pompidou. C’est cet ancien directeur général de la Banque Rothschild qui a interdit au pays de battre monnaie pour l’obliger à emprunter auprès des banquiers, avec intérêts bien entendu…

La dette de l’état, ça vous parle ?

Depuis, la dette n’a cessé de croître pour atteindre aujourd’hui plus de 2 300 milliards euros et, chaque année, 40 milliards d’euros, le deuxième budget de l’état, sont consacrés au paiement des intérêts aux banquiers… qui ne font rien d’autre que de créer la monnaie à la place de la Banque Centrale Européenne !

En pratique, la France, qui proclame sans cesse sa souveraineté, est en fait totalement soumise au monde de la finance à travers cette dette abyssale ! Il suffirait que les taux d’intérêt remontent pour qu’elle connaisse le même sort que la Grèce… On peut d’ailleurs légitimement se poser des questions quand on voit l’amateurisme avec lequel les grandes régions ont été mise en place (sur injonction européenne ?), ou comment le gouvernement actuel s’apprête à privatiser « les bijoux de famille de la France » (Française des jeux, barrages, etc.) qui restent (pour les autoroutes, France Telecom, La Poste, etc. ça a déjà été fait) si la France n’est pas déjà placée au régime grec. En France, une amie vient d’avoir une petite fille qui répond au beau prénom d’Ondine… Pressée d’arriver dans ce monde, elle est né un peu en avance et doit donc passer du temps en couveuse. Elle est mignonne comme tout, si petite, si fragile… et pourtant, par notre lâcheté, elle a déjà une dette de plus de 33 000 euros à rembourser aux banques ! Ça calme, n’est-ce pas ?

En Suisse, c’est le mode de financement des partis politiques et de certains élus qui laisse planer le doute. Voilà qu’une initiative populaire, celle intitulée Monnaie Pleine prend corps, pour qu’immédiatement la grande majorité des partis et des hommes politiques du pays se mettent à soutenir les banques, oubliant très vite qu’en 2008 ils avaient été obligés de les sauver de la faillite pour préserver l’épargne des citoyens. Étrange, n’est-ce pas ?

Bon, d’accord, me direz-vous, mais en quoi le fait que les banques commerciales créent de la monnaie avec la complicité des politiques fait-il de nous leurs sujets ?

Les banques commerciales créent bien de la (fausse) monnaie…

On va y arriver. À ce stade on a compris que nos croyances sont déjà mises à mal. Très peu de personnes, faite le test autour de vous, savent que quand les banques vous font un crédit, elles créent de l’argent scriptural ex nihilo, terme latin pour dire de nulle part (un sondage en Suisse, indique que 74 % des citoyens ne le savent pas). Dès lors, quand vous vous trouverez devant un banquier qui vous expliquera, avec une mine triste et presque en pleurant, que sa banque doit sortir l’argent de ses coffres ou qu’elle doit « l’acheter » pour vous le prêter, il se moque bien de vous. Ceci dit, je connais des banquiers et des économistes qui croient réellement ce qu’ils vous racontent. Aussi incroyable que cela puisse paraître, même des directeurs d’agence ne savent pas que les banques commerciales créent la monnaie scripturale ; c’est dire la transparence dans laquelle cette arnaque a été mise en place.

Il est vrai qu’il y a quand même de légères contraintes pour les banques. Actuellement, avec Bâle II, il faut que les banques déposent à la banque centrale environ 5 % en monnaie centrale du montant de monnaie scripturale qu’elles vous prêtent. Avec Bâle III (normalement en 2019), elles devront en déposer aux alentours de 10 % dans un système à peine mieux organisé pour protéger les déposants. C’est la base de ce système qu’on appelle « système de réserves fractionnaires » qui vit sur le pari que l’ensemble des déposants et épargnants ne retirera pas ses dépôts en même temps.

Apportez, apportez…

Vous comprenez mieux pourquoi les banques demandent systématiquement un apport en vous expliquant que ça vous permet de démontrer votre sérieux, etc. ? En fait, votre apport permet à la banque de disposer des fonds qu’il lui faut pour vous accorder le crédit et donc, créer la monnaie. Mais attention au montant : si vous apportez 20 % du crédit que vous demandez, la banque pourra créer 4 fois le montant de monnaie scripturale… une fois pour créditer votre compte et trois fois pour jouer au grand casino de la finance et des bourses mondiales, spéculer et créer des bulles. Sur cette base d’un apport de 20 %, le quart de la création monétaire scripturale, celle qui vous revient, est injecté dans l’économie réelle, les autres trois quarts, la banque les fera fructifier dans ce qu’on appelle « l’économie financière », celle des marchés financiers mondialisés et opaques. Ainsi, quand un « sujet » s’endette auprès d’une banque qui lui sert de la « fausse monnaie légale » (c’est le terme qu’utilisait Maurice Allais, prix Nobel d’économie pour désigner la monnaie scripturale crée par les banques) qu’elle a créé ex nihilo, sans rien produire, les actionnaires de la banque, eux, vont s’enrichir sans grand risque, puisque le bien du sujet est nanti, et que les marchés permettent de mieux se rémunérer encore que les crédits… On dit que les banques ne soutiennent plus « l’économie réelle » au profit de « l’économie financière ».

On le voit, il y a là déjà une anomalie, mais ce n’est pas encore elle qui nous rend les sujets de ce système. Pour l’heure, nous ne sommes que des pigeons que l’on plume…

La masse monétaire n’est que dettes !

Le piège est vicieux et à tiroir… il faut les tirer les uns après les autres pour le trouver. Ouvrons celui de la masse monétaire ou agrégat monétaire, c’est-à-dire tout l’argent en circulation. Cet agrégat monétaire, non seulement en France, en Europe, mais dans le monde entier, est composée dans son immense majorité de l’ensemble des crédits octroyés par les banques commerciales, c’est-à-dire, de la monnaie scripturale. Et la machine s’emballe. Comme on vient de le voir, les banques gagnent plus dans l’économie financière que dans l’économie réelle, il est donc normal qu’elles aillent là où elles peuvent faire le plus de profit… En fait, c’est un truc tellement fou que même le FMI a récemment tiré la sonnette d’alarme.

Et c’est là qu’est le piège ! Comme on l’a vue plus haut, la masse monétaire mondiale n’est que de la dette, c’est-à-dire la somme de tous les crédits accordés par les banques en monnaie scripturale. Or, si vous avez déjà fait un crédit auprès de votre banque, il ne vous aura sans doute pas échappé que quand la banque crédite votre compte, elle ne fait figurer sur celui-ci que la somme que vous avez demandée. Mais combien devez-vous rembourser à votre banque pour être quitte ?

Eh oui, vous devez payer les intérêts en plus ! Damnned, quel gag ! Prenons un exemple très rapide et imaginons que ce système démarre avec une seule banque et trois clients qui emprunte chacun 10 000 dans la devise du pays de la banque. Pour les besoins de la démonstration, on va modestement partir avec un taux de 1 % et un remboursement en un an en une fois. La somme que chacun devra rembourser au bout d’un an est de 10 100. Problème : la banque n’a créée (pour les prêter) que 30 000. Or, les trois clients ensemble doivent rembourser 30 300… Inutile de chercher une solution, il n’y en a pas. La seule façon de faire survivre ce système, c’est qu’un quatrième client vienne aussi faire un crédit pour injecter de nouveau un peu d’argent dans le circuit. On peut légitimement se poser la question de la dette de la France évoquée plus haut. Imaginons que par des mesures très sévères d’austérité (donc plus de commandes publiques, moins de salaires, etc., c’est-à-dire en diminuant la demande de crédits, et donc la masse monétaire), la France arrive à rembourser… ça ferait un trou de 2 300 milliards dans la masse monétaire… autrement dit, une crise majeure. Absurde ce système ?

Et c’est là que l’on comprend mieux le terme de seigneuriage. En acceptant ce système (en fait, vous ne l’avez jamais accepté, il nous a été imposé par des manœuvres plus que douteuses…), dès que vous faites un crédit auprès d’une banque vous acceptez de devenir son sujet, car il vous faudra lutter et vous battre… pour elle, pour honorer des intérêts qui n’ont pas été injectés dans le système. Vous devrez donc travailler, travailler, travailler, taper dans les ressources de la planète sans limites et sans souci de demain, pour obtenir une part du crédit d’un autre et payer la banque. C’est pourquoi il est si essentiel de consommer, pour faire de la croissance, la seule en mesure de générer de nouveaux crédits pour alimenter la masse monétaire. Ceux qui n’y arrivent pas… font faillite, la banque leur prend ce qui a à prendre (elle ne perd donc rien dans l’affaire puisqu’elle a un bien à revendre qui lui permettra de rentrer dans ses sous), et en fait des pauvres qui iront se nourrir aux Resto du Cœur et qui vivront des minimas sociaux…

Oh, il y en aurait beaucoup plus à dire, le sujet est si vaste… On pourrait par exemple se demander pourquoi est-ce aux banques de décider quelle partie de l’économie a le droit de vivre ou doit s’éteindre… Si vous avez un petit commerce, vous aurez beaucoup plus de mal à obtenir un financement que si vous êtes une grande surface par exemple. On pourrait aussi se demander pourquoi les grandes entreprises parviennent à continuer à imposer des produits cancérigènes et mortels pour la nature alors que tous les citoyens veulent qu’on les arrête. On pourrait se demander comment on fait nos grands-parents, après-guerre pour reconstruire un pays détruit… sans dette. Etc. Mais si vous avez déjà compris que vous êtes les esclaves du monde de la finance, vous aurez déjà fait le premier pas sur le chemin de la liberté.

Le pire, dans cette histoire, c’est que beaucoup diront qu’on ne peut pas faire autrement, que ce qui est écrit relève de la théorie du complot, qu’il est normal de travailler, etc. Et c’est normal, car, depuis que nous sommes tout petits, on nous conditionne à ce système. Pourtant, il ne date que des années 70… quand les Américains ont été obligés d’admettre qu’ils n’avaient pas autant d’or qu’ils avait émis de dollars.

Tout n’est pas noir cependant. En Suisse, des citoyens ont pu mettre ce débat sur la table en lançant l’initiative Monnaie Pleine pour enlever ce pouvoir incroyable qui a été accordé aux banques. Le vote se tiendra ce week-end du 10 juin 2018. Si les citoyens disent oui, alors les peuples se réveilleront dans le monde et changeront le système !

N’hésitez pas à commenter.

Peut-on encore ne se préoccuper que de soi ?

Peut-on encore ne se préoccuper que de soi ?

On l’aura tous remarqué : il devient de plus en plus pénible d’assurer le quotidien et de prendre le temps de vivre. Assez paradoxalement, le pays des 35 heures vit dans le stress et la mauvaise ambiance. Pourquoi ?

D’abord il y a les élus. Ils ont renoncé à leur mission par facilité et confort. Ce que le philosophe québécois Alain Deneault explique ainsi dans une interview du journal le Point du 16 janvier 2016, en réponse à une question qui évoquait un système qui exige avant tout de « jouer le jeu » :

Cette expression désormais courante est elle-même assez représentative du problème puisque pauvre sémantiquement. Elle comporte deux fois le même mot sous deux formes différentes. Mais, sous ses dehors ludiques, inoffensifs et enfantins, son sens est bien plus grave. Le jeu serait d’abord un ensemble de règles non écrites et de procédures usuelles quoique informelles auxquelles on doit se prêter si on compte arriver à ses fins. Cela passe essentiellement par certains rituels qui ne sont pas obligatoires, mais marquent un rapport de loyauté à un corps, au réseau. Mais le revers de ces mondanités — soirées, déjeuners, ronds de jambe et renvois d’ascenseur — est violent. On tue symboliquement pour punir un manque d’allégeance au réseau, dans des contextes qui laissent aux plus forts une grande place à l’arbitraire. En fin de compte, cela génère, sans que l’on y prenne garde, des institutions et des organisations corrompues au sens fort, au sens où les représentants d’institutions perdent souvent de vue ce qui les fonde en propre, au profit d’enjeux qui n’ont rien à voir avec leur bien-fondé social et historique. Et la médiocratie gagne du terrain.

Tout est dit. Le système se corrompt lui-même. Les nouveaux élus y entrent pleins de bonnes idées et avec une volonté d’imposer le changement et très vite ils se retrouvent soumis au système de peur qu’il ne les broie… La place est bien confortable quand même, et pas seulement financièrement, elle apporte aussi la reconnaissance, les invitations, les prises de parole en public et les applaudissements. Une place si confortable que l’on oublie vite ses certitudes et ses promesses. Serait-ce alors qu’il faille se résigner et accepter cette idée affreuse qu’à défaut de mieux, on va se concentrer sur sa petite vie personnelle et oublier que ceux qui décident sont au mieux des agneaux dociles, au pire, des corrompus ?

Mais il a une autre mécanique. Si nos élus n’assument pas et se plient à une volonté qui s’impose à eux, quelle est cette volonté, cette force, cette mécanique ?

Qu’est-ce qui fait que nous sommes soudain rentrés dans une course effrénée au gain de performance, à l’amélioration de la productivité, etc. ? Qu’est-ce qui nous fait courir comme des malades et renoncer à nos rêves, à nos passions, pour boucler les fins de mois ? Qu’est-ce qui nous emmène à penser que tout doit se mesurer à l’aune de l’argent ? Pourquoi l’argent est-il devenu la seule préoccupation de ce monde de fou ?

La réponse tient dans un changement majeur survenu dans les années 1970… Avant, la vie était différente, l’argent était un moyen et non pas une fin. Et puis, dans les années 1970, le système monétaire mondial a changé. On va nous expliquer que , le fait que beaucoup d’hommes politiques (les femmes étaient très rares à l’époque) soient des banquiers ou de futurs banquiers ne serait que pure coïncidence… Ça s’est fait dans un langage technique pour rendre la chose confuse au commun des mortels, même les journalistes n’y ont rien vu. La démarche a été bien organisée et de façon tellement insidieuse que seuls les auteurs du méfait savaient les bénéfices qu’ils allaient engranger… « La plus belle des ruses du diable est de vous persuader qu’il n’existe pas ! » écrivait Charles Baudelaire dans Le joueur généreux. Or, en supprimant l’adossement de la monnaie de référence (le dollar américain) à l’or, les États-Unis ont ouvert la porte au diable…

Le rêve d’un célèbre banquier s’est réalisé. Mayer Amshel Rothschild (1743-1812), le fondateur de la banque éponyme disait : « Donnez-moi le contrôle sur la monnaie d’une nation, et je n’aurai pas à me soucier de ceux qui font ses lois. ». Son rêve s’est réalisé : 90 % de notre monnaie, celle dite scripturale, est créée par les banquiers privés (on comprend mieux pourquoi ils veulent nous enlever la monnaie et les billets qui restent, eux, l’apanage des banques centrales). Et le mécanisme qui a transformé nos vies en course poursuite tient dans deux subtilités essentielles :

Toute la masse monétaire en circulation ne provient que des emprunts. Ça paraît incroyable à dire comme ça, mais tout l’argent en circulation, n’est que la somme des crédits faits par les banques à leurs clients ou à elles-mêmes. Quand les banquiers vous font un crédit, la somme qu’ils créditent à votre compte ne vient pas d’un de leur coffre, d’une autre banque ou de la banque centrale, comme on cherche à nous le faire croire : la banque crée cette somme ex nihilo (de nulle part). Dès lors, si tout le monde remboursait ses crédits… il n’y aurait plus d’argent dans l’économie. Et pourtant, il faudrait encore rembourser aux banques les intérêts des fameux crédits qu’elles vous on consentit. Vous l’aurez compris, la course à laquelle nous nous livrons tous, c’est pour récupérer l’argent des intérêts qu’il nous faut payer pour rembourser nos prêts.

Ceux qui n’ont pas de crédit auprès d’une banque pourraient se dire qu’ils ne sont pas concernés… et bien si. Le système est très bien pensé trop bien pensé. N’avez-vous jamais entendu parler de la dette publique ? Ça ne s’invente pas, c’est un ancien directeur de la banque Rothschild (qui aura réussi à placer deux de ces ex-salariés à la présidence de la France… entre autres) qui a modifié, en 1973, les statuts de la Banque de France (qui frappait monnaie jusqu’alors…) pour lui interdire de prêter à l’état à taux zéro. C’est ce qui explique que la dette française commence cette année-là. Le système est pernicieux, car on s’imagine que c’est l’état qui vit au-dessus de ses moyens et par la dette on arrive donc :

  • À privatiser le bien commun, comme les autoroutes, les barrages, ou la société de jeu qui rapporte tant…
  • À mettre la pression sur les fonctionnaires qui gagnent trop et donc à faire baisser les salaires dans le privé, puisque c’est plus ou moins ce qui faire référence.
  • À mettre de la rentabilité partout, même dans les hôpitaux, les soins aux personnes âgées, la sécurité, etc.
  • À obliger des gouvernements à ouvrir leurs frontières pour faire affluer des masses de migrants dont la conséquence sera de faire baisser les salaires.
  • À voter des lois qui permettent à des travailleurs détachés de pays déjà soumis à venir travailler chez nous pour trois fois rien.
  • À durcir les lois pour imposer de plus en plus de contraintes qui nous obligent de plus en plus à passer par de grosses multinationales pour nous mettre en règle… etc.

Et qui peut racheter les bijoux de la famille ? Qui peut augmenter la rentabilité des sociétés en faisant baisser les salaires ? Qui encaisse les intérêts de la dette publique que nous payons par nos impôts chaque année ?

Vous l’aurez compris, c’est une caste de nantis, de très très riches qui tirent dans l’ombre les ficelles des marionnettes du monde qui nous gouvernent. Rassurez-vous, eux, n’ont pas de soucis de fin de mois.

Pourquoi commence-t-on a en entendre parler ? Parce que le système est mortifère et exponentiel. Il va en s’accélérant et nous arrivons à la fin du cycle, la phase où les écarts commencent à se voir. Les riches sont de plus en riche et les pauvres de plus en plus nombreux, la classe moyenne ayant tendance disparaître pour laisser la place à un monde scindé en deux catégories : quelques riches et une immense majorité de pauvres.

Voilà, triste réalité du monde dans lequel nous vivons. J’oubliais : de plus en plus de spécialistes pensent que le clash final sera pour très bientôt.

Mais pour l’heure, saluons le printemps, car, s’il est un combat que l’homme ne gagnera pas, c’est celui contre la nature. Elle sera encore là dans 100 000 ans. L’homme…, c’est moins sûr.

 

 

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